Moi, le photographe

Être photographe pour moi c'est de voir ce que les autres ne voient pas. C'est d'isoler dans un cadre visuelle la petite partie cachée aux yeux de tous, laquelle qu'on arrive à déceler et dévoiler. C'est d'être capable de rendre intéressant l'inintéressant. C'est de donner vie à ce qui semble ne pas l'être. C'est de faire en sorte de que le dicton ''une image vaut mille mots'' prenne forme.

C'est de regarder une chose simplement comme la plupart le font mais, en ayant toujours en tête un questionnement, la recherche d'un autre point de vue ou d'un autre cadre. C'est de toujours examiner différent angles de ce que je vois.

C'est de faire fie des commentaires du genre tu fais rien de ta vie, de tes journées. C'est de voir des gens passer outre mes images que j'estime et valoriser de gauche à droite des images sans valeur. C'est de persister malgré qu'on me dise parfois que je perd mon temps, une fausse ambition, que ce n'est pas un travail.

C'est la volonté de vouloir me dépasser, de toujours aller plus loin et de m'améliorer. C'est d'avoir l'humilité de me dire que j'en ai encore beaucoup à apprendre. C'est d'accepter que l'amélioration est sans fin. C'est d'avoir la force de croire en moi, d'avoir confiance en mes moyens. C'est d'avoir la carapace assez épaisse pour ne pas laisser les commentaires négatifs me détruire et assez mince pour accepter ceux qui sont constructifs. C'est de rester fort quand on ne prend pas au sérieux car, pour certain, la photographie, ça vaut rien.

C'est savoir me relever quand je tombe et aussi être capable d'autocritique. C'est d'être en mesure de reconnaître mes erreurs, voir mes failles et constamment me questionner sur ce que je pourrais faire mieux. C'est de vivre avec le doute. C'est de me comparer à meilleur que moi et de m'en inspirer, c'est aussi d'écouter les moins talentueux car tous ont de quoi à m'enseigner.

C'est de vivre avec la frustration d'une image ratée, d'avoir manqué par une simple et toute minuscule seconde le moment parfait. C'est de partir une semaine pour réaliser un projet qui ne se concrétise pas faute d'une météo idéale. Mais, c'est aussi de savoir m'adapter aux changements et de trouver de nouvelles idées. C'est parfois parcourir des milliers de kilomètres sur la route, de passer à des endroits magiques pour la photographie, et de devoir me résilier à continuer mon chemin faute de temps.

La photographie, pour moi, n'est pas simplement que de construire des images c'est surtout de mettre mon cœur et mon âme sur table et de m'ouvrir au monde. C'est ce qui parfois, rend pour moi, la critique difficile. Ce n'est pas tant la critique de l'image qui m'atteint mais celle du reflet qu'elle projette de moi en tant qu'individu. Pour me connaître, moi derrière la lentille, il suffit de jeter un œil à mon travail et il devient alors possible de savoir qui je suis, et ce, souvent mieux que moi même. Une photo est une empreinte lumineuse d'un moment bien précis de l'histoire de l'univers mais elle est aussi et surtout, l'empreinte de mon âme.

Pour moi, la solitude, n'est pas difficile. Ce qui est parfois difficile c'est d'en faire comprendre aux autres les raisons. De réussir à faire accepter que les moments de créativité et d'inspirations ne sont pas toujours présents et que je dois en profiter quand ils passent. Il est primordial pour moi d'être capable de passer outre le fait, que des fois, certaines gens, puissent avoir du mal à me comprendre.

Être photographe pour moi c'est de faire découvrir le monde. C'est de montrer, de révéler au grand jour la beauté de notre univers mais aussi sa laideur. C'est de faire prendre conscience, d'ouvrir l'esprit de certain à ce qui est inconnu. C'est d'appuyer les dires d'un artiste des lettres et des mots en rendant son texte plus forts. C'est d'étouffer le mensonge par la vérité.

Pour moi la description du bon photographe c'est celui qui sait sortir des sentiers battus, c'est celui qui a trouvé sa signature. C'est aussi celui qui arrive à se faire reconnaître par son style. À l'égal du musicien qui cherche son son et l'écrivain ses mots, le photographe lui, cherche sa lumière, ses couleurs, ses contrastes. C'est celui qui, tout comme l'archer, sait où viser pour ne pas rater sa cible.

Pour moi être photographe c'est d'activer l'imaginaire collectif. C'est d'avoir le pouvoir de créer le désir de découverte et ensemencer l'ambition. C'est de donner un sens à la vie, des buts et d'émerveiller. C'est de démontrer que nous ne sommes pas seuls, qu'il existe un monde autour de nous. C'est de rendre ce monde est accessible.

Je souffre quand l'inspiration me manque, je doute aussi. Mais, tout comme pour la renaissance printanière de la forêt après un long hiver froid et rigoureux, je revis quand elle réapparaît. Les bourgeons de ma créativité éclatent pour reverdir mon arbre d'imagination. Je me dis que rien n'est fini et tout continue. Je retrouve le plaisir de tenir mon appareil entre mes mains et de faire cliquer le déclencheur. Les images réapparaissent dans ma tête et j'en rêve même la nuit. C'est l'arrivé d'une panoplie de nouvelles idées qui convergent toutes vers ma fantaisie imaginaire, mon point d'ancrage au désir photographique.

Pour moi un photographe sait être patient car tout n'est pas instantané. Que ce soit pour l'apparition des circonstances idéales de la journée ou pour obtenir le bon résultat après de multiples tentatives, il sait que le temps et le travail le mènera à bon port. Il sait qu'occasionnellement la chance fait partie dans son travail, mais il réalise surtout, que celui qui se démarque la provoquera en étant au bon endroit au bon moment. Il comprend que celui qui se distance des autres, reconnait, visualise et anticipe les particularités avant même que la chance n'apparaisse.

Le bonheur pour moi c'est de voir apparaître sous mes yeux l'image voulue, celle que j'ai imaginée, celle que je trouve belle. C'est ma créativité dans son pur dévoilement. La magie de la photographie c'est d'admirer une image réussie qui me procure la satisfaction, un sentiment d'accomplissement, un élan de motivation. Mon orgueil c'est de savoir que je vois au-delà de ce que mes yeux voient et d'être en mesure d'exposer cette vision au regard de tous. Le but pour moi c'est d'arriver à donner à mes images mon nom, ma personnalité, ma signature. Pour moi, la réussite, c'est de regarder cette image qui fait disparaître le doute, la frustration et qui me donne la confiance de me dire… Non, c'est pas en vain.

François Richard

Photographie François Richard